Navdanya International, le 7 décembre 2017
L’armée des États-Unis et différentes entreprises et fondations investissent des centaines de millions de dollars dans le forçage génétique, une technologie hautement controversée destinée à l’extinction génétique.
Voilà ce que révèlent les « documents sur le forçage génétique » (The Gene Drives Files en anglais), un ensemble de plus de 1200 courriers électroniques, obtenu par des chercheurs de la société civile au moyen de sollicitudes formelles faisant appel à la loi sur la liberté de l’information. Les courriers électroniques documentent comment l’Agence pour les Projets de Recherche Avancée de Défense (DARPA en anglais) apparaît comme étant le principal financeur en technologie de forçage génétique. En effet la preuve a été apportée d’un apport de près de 100 millions de dollars déjà investis afin d’accélérer la recherche. La Fondation Bill et Melinda Gates est également impliquée dans le développement de cette technologie par le biais d’un paiement de 1,6 millions à l’entreprise de relations publiques «Emerging Ad» visant à influencer les débats sur le sujet lors de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) de l’ONU (voir le récent article de Jonathan Latham dans Independent Science News), et à révoquer un appel émis par un grand nombre d’ONG de la société civile, parmi lesquelles figurent des scientifiques et des institutions académiques, pour que le CDB impose un moratoire international afin de respecter le principe de précaution. Les courriers électroniques révèlent comment le procédé régulateur, originalement conçu pour protéger l’environnement et l’intégrité génétique des espèces sur notre planète, est profondément influencé par les intérêts cachés de partisans de cette technologie, stratégiquement recrutés par la Fondation Gates.
Une fois encore, nous constatons que des décisions de grande envergure concernant le futur de nos écosystèmes sont prises sans transparence et au moyen de pratiques dissimulées et immorales. Le forçage génétique a la capacité de transformer dramatiquement notre monde naturel et la relation que l’humanité entretient avec celui-ci en éradiquant des espèces entières, en nuisant de façon irréversible à la biodiversité qui soutient la vie de la planète et en altérant l’équilibre génétique de l’écosystème. Mais une fois de plus nous voyons que les considérations éthiques et les conséquences écologiques sont de peu d’importance pour ceux qui tirent un énorme profit du développement d’une telle technologie, en le faisant d’une manière militaire, comme un instrument de guerre dissimulé, ou matériellement, dans l’agro-industrie et le secteur pharmaceutique, mondes où règnent le pouvoir et le profit.
Un article récent du New York Times rapporte que le Dr. Kevin M. Esvelt, qui figure entre les promoteurs de Crispr technology à l’Université Harvard, a découvert récemment «un risque inacceptable» puisque les «gènes altérés pourraient se répandre à des lieux où les espèces ne sont en aucun cas invasives mais sont, au contraire, une partie totalement intégrée de l’écosystème».
La même attitude, qui a mené à l’accumulation de produits chimiques de guerre dans nos champs avec la Révolution Verte, a débouché ultérieurement sur ce que nous connaissons aujourd’hui, les cultures ratées de soja et de maïs génétiquement modifiées pour résister aux herbicides tels que le RoundUp Ready (RR) de Monsanto. Mais ces mêmes mauvaises herbes que la technologie des cultures génétiquement modifiées résistantes aux herbicides devait soi-disant contrôler ont développé une résistance à l’épandage de ces herbicides et actuellement environ 92% du coton et du soja du sud-est des États-Unis est infesté par des super mauvaises herbes comme l’Amaranthus Palmeri. Pendant ce temps-là l’augmentation considérable de l’utilisation de ces produits chimiques dans les champs a entraîné une plus grande contamination des sols et de l’environnement. Monsanto & Co., qui englobe des investisseurs, des scientifiques, des corporations, la DARPA et la Fondation Gates, suivent toujours résolument cette optique erronée de «solution technologique», désormais avec le forçage génétique, pour résoudre les problèmes qu’ils ont eux-mêmes créé, un autre instrument pour continuer sur le chemin du contrôle et du profit effréné.
Cette approche simpliste comporte le risque de provoquer l’extinction complète de toute la population génétique de l’Amaranthus. L’Académie Nationale de la Science des États-Unis, dans son rapport intitulé «Le forçage génétique à l’horizon : science avancée, navigant l’incertitude, et alignant la recherche sur les valeurs publiques», parrainé par la DARPA et la Fondation Bill et Melinda Gates eux-mêmes, indique le même risque : «le forçage génétique développé pour des raisons agricoles présente également des effets adverses sur le bien-être humain. Le transfert d’un gène de suppression à une espèce sauvage à laquelle il n’est pas destiné pourrait entrainer des conséquences adverses sur l’environnement et des effets nocifs sur les cultures végétales. Par exemple l’Amaranthus Palmeri dans le cas d’étude numéro 6 est une mauvaise herbe nocive aux États-Unis, mais des espèces de la même famille que l’Amaranthus sont cultivées comme aliment au Mexique, en Amérique du Sud, en Inde et en Chine.» Pour autant notre sécurité et notre santé sont une fois de plus consciemment mises en danger au travers de cette attitude technologique aveugle qui a provoqué l’échec de la Révolution Verte.
Il est évident que la valeur de l’Amaranthus en tant que culture ancestrale d’un aliment vital, nutritionnel et sacré dans de nombreux pays et de nombreuses cultures dans le monde n’est pas considérée comme un argument de poids pour les «esprits militarisés» de scientifiques résolus qui voient des solutions aux problèmes par le seul biais de la mort (voir Biodiversité, OGM, forçage génétique et l’esprit militarisé, du Dr. Vandana Shiva, Juillet 2016) et qui depuis leur étroite perspective choisissent d’ignorer les conséquences potentielles sur la sécurité et la santé.
Sous des apparences de faire le bien à l’humanité, la Fondation Bill et Melinda Gates continue à saboter le débat scientifique en ce qui concerne les dangers de la manipulation génétique. Au travers d’une pseudo «science» tendancieuse, déguisant les relations publiques comme une science et pointant directement les décisionnaires, ils augmentent leur influence et font pression sur les gouvernements et les institutions. Nous avons vu des patrons similaires sur le débat concernant la valorisation du risque du glyphosate, lequel a mené la semaine passée à une rénovation pour 5 ans de la licence des États-Unis, malgré le problème du vide légal, des conflits d’intérêts, de l’influence corporative et de la pression exercée sur les organismes régulateurs décrits dans les «Monsanto Papers».
L’échec du modèle de l’agriculture industrielle qui nous a apporté des poisons, des herbicides, des cultures RoundUp Ready et des super mauvaises herbes, est maintenant en train de nous apporter le forçage génétique. La technologie du forçage génétique est un outil très dangereux, basé sur un mécanisme obsolète et un paradigme et une vision de la science réductrice, qui ignore et nie le potentiel évolutif et d’auto-organisation des organismes ainsi que leur évolution complexe et dynamique.
Nous traversons définitivement une sale époque où les philanthropes adoptent une perspective de vision si courte qu’elle met consciemment en danger notre santé et notre environnement. Pour citer le Dr. Vandana Shiva: «Celui qui utilise les relations publiques vêtu de scientifique, amenant les espèces à l’extinction, et qui vole aux gens leur aliment, celui-là ne pratique pas la philanthropie mais bien l’écocide».
Translation kindly provided by Céline Art, idiomart.translation@gmail.com
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